COVID-19 et fermeture des chantiers: quelles conséquences sur les contrats en cours? - Informel

Par Informel Publié le

Dans le contexte actuel de la pandémie de la COVID-19, le gouvernement a décrété le 24 mars dernier la fermeture des chantiers de construction.

Voici quelques-uns des aspects juridiques à considérer.

Assurances

Comme les travaux ont été suspendus, vous devriez communiquer avec votre assureur afin de vérifier vos couvertures, par exemple au niveau de votre assurance responsabilité ou de vos cautionnements d’exécution. Certaines limites ou exclusions pourraient s’appliquer compte tenu de la durée de la suspension. 

Notion de force majeure et retards

La crise sanitaire actuelle est extraordinaire. Selon le contexte propre à chaque situation, elle pourrait dans certains cas être qualifiée de force majeure1, c’est-à-dire des circonstances imprévisibles, insurmontables, extérieures aux parties et rendant impossible pour celles-ci l’exécution de leurs obligations.

Il faut s’attendre à ce que la fermeture des chantiers entraîne des retards dans la livraison des travaux et des coûts additionnels. Qui devra les assumer?

On ne peut répondre à cette question que cas par cas. La réponse dépend notamment de l’existence de clauses dans le contrat. 

Clauses dans un contrat écrit

Le contrat a préséance sur les règles générales prévues au Code civil du Québec. Il est donc important de vérifier votre contrat puisqu’il peut contenir des dispositions particulières qui, par exemple :

  • modifient la définition de force majeure en l’assouplissant ou en la rendant plus stricte encore
  • attribuent à l’une ou l’autre des parties les conséquences de la force majeure, telles que les retards
  • dégagent l’une ou l’autre des parties de toute conséquence liée à la force majeure
  • permettent aux parties de résilier le contrat
  • prévoient que les parties doivent revoir l’échéancier
  • exigent que l’entrepreneur ou le sous-traitant transmette un avis à l’autre partie. Le délai pour transmettre l’avis est généralement assez court. 

Vous devez donc porter attention aux clauses de vos contrats qui traitent des retards et dans lesquelles on peut retrouver des expressions telles que « cas de force majeure », « ordonnance de suspension des travaux émise par un tribunal ou une administration publique compétente », événement ne découlant pas de la faute de l’entrepreneur, événement ou une situation hors du contrôle de l’entrepreneur, etc.

Dans le secteur institutionnel et commercial, certains contrats standardisés, comme l’ACC-1, contiennent des clauses pertinentes, prévoyant que les délais d’exécution devront être prolongés et que le sous-traitant pourra être compensé pour les frais raisonnablement encourus en raison de ces retards. Des clauses similaires existent également dans les contrats publics. Toutefois, elles pourraient également prévoir que même en cas de force majeure, aucune prolongation de délai ne pourra être accordée.

Aucune clause dans un contrat 

Ce peut être le cas par exemple lorsque :

  • Le contrat est verbal 
  • Le contrat est écrit, mais ne traite aucunement de la force majeure ou des retards.

Dans de tels cas, les règles du Code civil du Québec permettent à l’entrepreneur de se dégager de sa responsabilité en cas de force majeure2.

Par exemple, en l’absence de clause dans le contrat, l’entrepreneur qui n’a pas été en mesure de livrer l’ouvrage tel que prévu le 3 avril 2020 en raison de la fermeture des chantiers ne pourrait être tenu responsable des pertes subies par son client qui a dû retarder sa production.

Force majeure : un motif sérieux pour résilier le contrat? 

Rappelons que le client peut toujours mettre fin au contrat, et ce, sans avoir à se justifier. Quant à l’entrepreneur, il doit avoir un motif sérieux et ne doit pas le faire à un mauvais moment pour le client3. 

La pandémie ne peut toutefois servir de prétexte pour se soustraire à ses obligations contractuelles. Le fait que l’exécution du contrat soit devenue plus coûteuse ou plus difficile ne remplit pas les conditions de la force majeure. 

En l’absence de clause prévue au contrat, l’entrepreneur qui ne complète pas l’ouvrage, une fois que la reprise des travaux est autorisée par le gouvernement, peut être tenu responsable des dommages causés par une telle résiliation4. Toutefois, il est possible qu’il puisse se dégager de cette responsabilité s’il peut démontrer que c’est uniquement en raison des mesures prises par le gouvernement qu’il lui est toujours impossible de respecter ses obligations. Ici encore, ce sera du cas par cas. 

L’entrepreneur qui était déjà en défaut ou en retard avant la fermeture des chantiers pourrait ne pas pouvoir se prévaloir de la force majeure comme moyen de défense.

Rappelons que dans le cadre d’un contrat à forfait, le prix convenu au départ reste le même, à moins que les parties n’en conviennent autrement5. Les mesures de confinement auront certainement un impact pour tous et il faut s’attendre à ce qu’il faille effectuer des ajustements plus ou moins importants. Cet exercice devrait être fait de bonne foi par les parties afin de trouver des solutions équitables6. Si elles n’arrivaient pas à s’entendre, elles pourraient résilier le contrat d’un commun accord. 

Préparer la reprise

Voici quelques pistes pour organiser la reprise de vos activités : 

  • Vous pouvez dès maintenant revoir chacun de vos contrats et évaluer l’impact qu’ont les clauses qui y sont prévues.
  • Déterminez, pour chacun d’eux, si vous pouvez ou non invoquer la force majeure et priorisez-les en conséquence. Rappelons que la force majeure doit rendre impossible l’exécution de vos obligations.
  • Évaluez les différents échéanciers afin de déterminer vos besoins de main-d’œuvre et votre capacité à réaliser tous vos contrats une fois que les travaux en question seront autorisés. Ceci devrait aussi être pris en compte pour décider de présenter ou non des soumissions pour de nouveaux projets.
  • Communiquez rapidement avec vos clients afin de comprendre les enjeux auxquels ils font face eux aussi, identifier les problèmes potentiels et amorcer la recherche de solutions équitables 
  • Pour les contrats à venir, la crise sanitaire actuelle ne constitue plus un évènement imprévisible. Vous devriez donc en tenir compte dans le calcul de vos soumissions, notamment en ce qui a trait aux mesures d’hygiène et d’organisation du travail qui devront continuer d’être appliquées.
  • Lorsque vous négociez un contrat de gré à gré (sans appel d’offres), vous pourriez vous entendre avec le client pour prévoir au contrat des clauses qui en tiennent compte ou qui, au moins, vous permettent d’y apporter des changements en cours d’exécution.
  • Enfin, maintenez la communication avec vos clients et informez-les de tout changement qui pourrait avoir un impact sur l’exécution de vos travaux. 

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