Transition énergétique, un marché à développer pour les entrepreneurs électriciens

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Peu importe où vous résidez (sur la planète!), peu importe ce que vous lisez ou écoutez. Partout il est question d’intelligence artificielle et de transition énergétique. Impossible d’y échapper.

Dans un article du magazine Les Affaires du 25 janvier 2024, Charles Émond, président directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) affirme que la plus grande occasion d’investissement pour la CDPQ, au Québec ou ailleurs dans le monde, est sans conteste la transition énergétique. C’est là qu’il se dépensera le plus de capitaux et avec des rendements supérieurs. 

Curieusement, il semble que les entrepreneurs électriciens tardent à s’y intéresser. Dans cet article, nous donnerons la parole à deux entrepreneurs électriciens qui ont résolument emboîté le pas à la transition énergétique. Le but avoué de cet article est de susciter un plus grand intérêt parmi les membres de la CMEQ qui de par leur champ d’expertise, devraient être au cœur de cette importante r-évolution.

Qu’est-ce que la transition énergétique?

Ce n’est pas parce qu’il en est question partout que tout le monde est en mesure de dire ce qu’il en est exactement.  Donc, commençons par définir ce qu’on entend par là.

La transition énergétique est une condition essentielle à la résolution de la crise climatique mondiale dont la majorité des cibles identifiées doivent être atteintes au plus tard d’ici 2050. Elle repose sur l’électrification des transports et l’efficacité énergétique des bâtiments, combiné à l’utilisation de sources d’énergie vertes et durables, telles que l’électricité du Québec. C’est en intervenant sur ces fronts qu’il sera possible de réduire la production de gaz à effet de serre tout en réduisant globalement la consommation d’énergie.

La transition énergétique des bâtiments

La transition énergétique des bâtiments implique plusieurs aspects, tels que l’amélioration de l’efficacité énergétique et du contrôle des bâtiments existants, la promotion de la construction de nouveaux bâtiments écologiques et la mise en œuvre de technologies plus propres pour le chauffage, la climatisation, l’éclairage et autres systèmes de bâtiment.

L’électrification des transports

L’électrification de transports induit le développement de technologies innovantes pour les batteries et les moteurs de véhicules électriques et la mise en place d’un réseau de recharge.

À propos de Fusion énergie inc.  

L’entreprise Fusion énergie inc. (Fusion énergie), fondée en 1994 par Daniel Sarrazin, s’est taillée une place à titre de chef de file en matière d’économie et de contrôle énergétique des bâtiments (de types hôteliers ou multilogement) au Québec. 

Tout récemment, Fusion énergie a joint son expertise à celle de la firme Lemay, spécialisée en architecture et design. L’alliance entre ces deux entreprises permettra d’intensifier leurs actions en faveur de la décarbonation du secteur immobilier, tout en facilitant la réalisation de projets écoénergétiques grâce à leur offre de services étendue et diversifiée, couvrant l’ensemble du cycle de vie des bâtiments, de la conception à l’opération.

Daniel Sarrazin est membre de la section Laurentides. Il a été président provincial de la Corporation de 2013 à 2015. Il est aussi propriétaire de l’entreprise familiale St-Martin électrique inc.

En raison de sa vaste expérience et de son expertise en matière d’efficacité énergétique, nous lui avons demandé ce qu’il pensait de la transition énergétique si souvent évoquée et du rapport qu’ont les entrepreneurs électriciens à son égard.

Q._ M. Sarrazin, selon vous est-ce que la transition énergétique bat son plein, et depuis quand?

R._ En fait, la transition énergétique ne fait que commencer. Actuellement, les organismes de règlementation travaillent à mettre en place des normes et des règlements en matière d’efficacité énergétique beaucoup plus exigeants que ceux que nous connaissons actuellement.

Parallèlement à cette évolution, il y a des organismes tels que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et certaines institutions financières qui offrent de meilleurs taux d’intérêt ainsi qu’une période d’amortissement plus étendue sur les prêts hypothécaires pour les bâtiments qui respectent les normes les plus élevées en efficacité énergétique. Les avantages financiers sont calculés selon un système de pointage établi par la SCHL (voir cmhc-schl.gc.ca).

Dans ce contexte, je dois dire que depuis un an la vapeur s’est inversée. Fusion énergie est spontanément sollicitée par les investisseurs résidentiels, institutionnels et commerciaux qui veulent bénéficier de ces avantages financiers.

Q._ Est-ce que la transition énergétique est plus importante au Québec qu’ailleurs?

R._ Non, elle est généralisée. Au Québec, la transition énergétique est très orientée vers l’électrification du transport. Ailleurs en Amérique du Nord (Canada, É-U, Mexique), la priorité va à la transition énergétique des bâtiments qui dépendent des énergies fossiles telles que le mazout et le charbon qui sont d’importantes sources de gaz à effet de serre. Sachant que d’ici 2035, tous les bâtiments devront avoir effectué la transition vers une énergie durable et écologique pour le chauffage et la climatisation.

Au Canada, d’ici 2030, la transition énergétique représente un marché de plus d’un milliard de dollars. Le seul marché de contrôle et d’optimisation de la performance énergétique des bâtiments qui était de 205 millions de dollars en 2022 sera de plus de 620 millions de dollars en 2028.

Q._ Selon vous, est-ce qu’il y a assez de fournisseurs de services, et plus particulièrement d’entreprises en électricité pouvant répondre à la demande en matière de transition énergétique des bâtiments?

R._ Non. Il manque des ressources. Surtout pour l’installation de systèmes de contrôle. À priori, les entrepreneurs électriciens sont bien positionnés par rapport à d’autres entrepreneurs pour assumer un leadership dans la transition énergétique. Mais, je constate qu’il y a un manque d’intérêt parmi les entrepreneurs électriciens à l’égard des nouveaux marchés et des nouvelles technologies. Il est vrai que l’industrie tourne à plein, qu’elle bat des records de mise en chantier. Les entrepreneurs peinent à répondre à la demande. Le contexte incite peu à la diversification…

En outre, il y a un déficit important de formation dans le domaine du câblage structuré. Si une telle formation existait et qu’elle était offerte aux entrepreneurs électriciens, cela pourrait peut-être changer la donne.

Ce qui est certain, c’est que la transition énergétique aura un grand impact sur la définition du métier d’entrepreneur électricien. Le marché de la gestion énergétique a plus que doublé au cours des dix dernières années. Imaginez ce que représente l’avenir!

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À propos de Fize électrique inc.

Fize électrique inc. est une entreprise reconnue à titre de chef de file dans le développement d’écosystème lié à l’électrification des transports. Fondée en 2006 par Alain Fiset et Nancy Olivier, l’entreprise a développé une expertise en infrastructure de recharge pour les bâtiments neufs et construits.

Nancy Olivier, représentante de l’entreprise auprès de la CMEQ et membre de la section Québec, a été présidente provinciale de la Corporation des maîtres électriciens du Québec de 2021 à 2023.

Alain Fiset, répondant en exécution des travaux d’électricité, est le spécialiste en électrification des transports. Depuis 2018, M. Fiset est directeur Énergies intelligentes, développement infrastructure de recharge. À ce titre, il est responsable du développement et de la mise en place de nouveaux marchés liés à l’électrification des transports et aux énergies émergeantes.

Fize électrique inc. a résolument entrepris la voie de la transition énergétique et de l’électrification des transports. Depuis 2022, 100 % de sa flotte de véhicules est électrique. Son expertise reconnue dans le marché lui vaut d’être invitée à participer au développement de plusieurs grands projets d’aménagement d’infrastructures de recharge.

C’est en raison de leur avant-gardisme que nous avons invité ses fondateurs à s’exprimer sur le devenir de l’électrification des transports et sur l’impact de ce mouvement sur le métier d’entrepreneur électricien.

Q._ Bien qu’il s’installe des bornes de recharge pour véhicules électriques depuis un certain temps, diriez-vous que la transition énergétique par l’électrification des transports est bel et bien amorcée au Québec?

R._ Pour ce qui est de l’électrification des véhicules des particuliers, oui. Le Québec connaît une bonne progression du nombre de véhicules électriques sur les routes. Chez les particuliers, la question n’est plus de savoir s’ils vont faire l’acquisition ou non d’un véhicule électrique, mais quand ils en feront l’acquisition. Il y a seulement trois ans, la plupart des Québécois auraient répondu à la question : « Je ne le sais pas ».

Mais l’électrification des transports, c’est bien plus que le véhicule de loisir. Ce sont les camions de transport, les gros véhicules de la construction (grues, pelles mécaniques, etc.), les bateaux, les avions, etc. Pour ces types de véhicules, la transition ne fait que commencer.

Ça va vite. Très vite. La croissance de l’écosystème lié à l’électrification des transports va connaître une courbe semblable à celle du téléphone intelligent. De jour en jour, les produits sont de plus en plus accessibles et à meilleurs coûts.

Q._ Est-ce que le marché d’installation des bornes électriques est saturé?

R._ Beaucoup d’entrepreneurs électriciens font l’installation et le branchement de bornes de recharge, mais le potentiel de développement d’affaires ne s’arrête pas là! Les bornes de recharge seront bidirectionnelles d’ici peu. Ce faisant, il sera possible de gérer la recharge énergétique. Par exemple, celle d’un véhicule électrique stationné pourra être transférée.

Déjà, certains modèles de véhicules qui ont une prise utilitaire de 30 ampères 120/240Volts, peuvent faire sensiblement la même chose (transfert d’énergie), avec toutefois une installation adéquate activée manuellement. Il ne faut pas sous-estimer la capacité énergétique des véhicules. Avec des capacités énergétiques allant à plus de 100 kwh pour le transport léger (véhicule de loisir), certains modèles de véhicules avec une gestion efficace de l’énergie peuvent en cas de panne alimenter (en tenant compte du système de gestion de l’énergie) une maison pendant un à deux jours.

Ce qu’il faut retenir, c’est que tout véhicule électrique est en fait une génératrice d’énergie et que cette énergie a le potentiel d’être transférée. Dans ce contexte, l’électricien devient un « énergicien », un spécialiste de l’écosystème de l’électrification des transports et de la gestion de l’énergie.

Q._ Où se situent la majorité des entrepreneurs électriciens par rapport au développement que vous anticipez?

R._ Comme mentionné, beaucoup d’entrepreneurs installent des bornes de recharge, mais il ne faut pas qu’ils se limitent à cela, car la compétition est vive. Les fabricants de bornes sont très agressifs. Il faut que les entrepreneurs étendent leur offre de services, que cette offre devienne plus nichée.

Il s’agit d’un gros changement et le changement fait peur. Le rythme auquel sortent les nouvelles technologies, lesquelles stimulent l’émergence de nouveaux marchés, est tellement rapide que la meilleure façon de prendre la balle au bond est de dédier une personne de l’entreprise à leur appropriation.

Q._ Quel est l’obstacle principal à cette transition?

R._ L’électrification des transports sous-entend un changement de culture qui demande d’adapter notre façon d’utiliser le véhicule. Peu d’entrepreneurs ont à ce jour converti leur flotte de véhicules à l’électricité.  Curieusement, il y a beaucoup de scepticisme vis-à-vis l’électrification des transports chez les entrepreneurs électriciens. Il faut que ça change. La meilleure façon de le faire est de convertir un véhicule à la fois. D’ailleurs, un véhicule qui parcours 20 000 km/année est équivalent sur une base quotidienne à environ 100 km, ce qui est inférieur à l’autonomie des véhicules électriques de travail. De plus, d’importants incitatifs financiers sont disponibles diminuant le coût d’opération assez rapidement.

 

Historiquement, on connaissait des entreprises spécialisées en énergie pétrolière. Dans un avenir rapproché, nous connaîtrons des entreprises spécialisées en électrification.

 

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